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un peu d'astuce, d'espièglerie...
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13 février 2009

Les Assis Noirs de loupes, grêlés, les yeux

Les Assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;

Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les Sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L'âme des vieux soleils s'allume emmaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales
Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.

Arthur RIMBAUD, Poésies 1870-1871

écoutez-le récité en musique magistralement par Leo Férré:

http://www.deezer.com/track/2420787

c'est cette version,

adorée à 15 ans,

qui m'avait donné envie d'apprendre ce poème par coeur,

(même si, je dois bien le reconnaître, je n'en comprenais qu'une émotion puissante!)

je peux le réciter encore aujour'hui...

Et vous,

quel est le poème que vous avez appris pour le plaisir

et que vous savez toujours réciter?

 

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Commentaires
P
Pas évident ce poème!<br /> Quant à moi, je peux encore réciter du Victor Hugo "Elle avait pris ce pli" et "Deamin dès l'aube" ainsi que "ballade des pendus" de François Villon.<br /> Laure
V
Comme Zoloma plus haut.<br /> Quand tu aimes, il faut partir de Cendrars.
B
moi, c'est plutot une priere de St Ignace de Loyola qui m'apaise et me "nourrit"...<br /> A donner sans compter<br /> A combattre sans soucis des blessures<br /> A travailler sans chercher le repos<br /> A nous depenser sans attendre d'autres recompenses que celle de savoir que nous faisons votre Sainte Volonte
Z
En ce qui me concerne, c'est "Quand tu aimes, il faut partir" de Cendrars que je préfère réciter. Mais en tant que prof de français, j'en connais tout de même plusieurs...
C
THECLE LESCINQT: ouaaah, la classe!
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